Encore un ouvrage sur le cancer* direz-vous,
vous qui êtes comme je le suis, blasé des idées
reçues et des quêtes perpétuelles, tous sujets
d'irritation trahissant l'actualité et l'organisation sociale.
Elles ne conduisent malheureusement et souvent nulle part.
Rassurez-vous, bien que médecin hospitalier,
officiellement responsable de l'enseignement des méthodes diagnostiques
et thérapeutiques des cancers, je me situerai en l'occurrence en
porte-parole des patients.
Le langage scientifique ne sera utilisé qu'au
strict nécessaire. Le parler de tout le monde et non d'un cénacle
devrait suffire, à quelques exceptions près.
Au lieu de décrire la maison de l'extérieur,
ce que l'on effectue généralement en parlant des lézardes
de la façade, je me propose de vous faire pénétrer
dans l'intérieur. Nous irons voir bien souvent ce qui se passe
à la cave au niveau des fondations de l'immeuble, qui sont à
n'en pas douter, en relation avec l'état de la couverture.
Si cette dernière fuit, les dégâts
des eaux endommagent d'abord l'étage avec ses pièces d'habitation
(maladies psychosomatiques*) puis les années passant, le ruissellement
finira par miner l'ensemble, en parvenant au niveau des fondations (cancers).
Je vous invite, à une série de témoignages
avant de réunir toutes ces informations en une synthèse
dont je n'ignore ni la présomption ni le caractère imparfait.
Elle n'aura comme le souhaitait Claude BERNARD que l'utilité
d'un bistouri que l'on jette après usage quand le temps est venu
de passer à une autre méthodologie.
L'ensemble de l'ouvrage est construit à la
manière des collages. Je m'étais fait une spécialité
de cette technique en 1971, choisissant des papiers d'une grande intensité
colorée, les assemblant dans des compositions très concentrées.
Le collage introduit la réalité d'une
structure autre que celle issue de soi même, un journal, une teinte
attrayante, le témoignage d'une autre vie. De la rupture et de
l'opposition des surfaces chromatiques mises en résonance, jaillit
une impression d'ensemble. Le vitrail en est le parent. La vie prend un
éclat qui secoue le monologue et l'enrichissement obtenu rejoint
les désirs de BRAQUE, MATISSE, nos prédécesseurs
en la manière.
Les documents n'ont d'originalité que dans
la mesure où l'observateur s'est lui-même soumis à
l'épreuve rigoureuse et prolongée de l'exploration de sa
propre intériorité.
Cette condition est nécessaire avant d'être
le confident et le témoin.
Les faits observés à travers les instruments
d'optiques particuliers que sont les structures mentales d'un médecin
doivent être obligatoirement colorés par celles-ci.
La formation clinique seule m'était apparue
insuffisante au cours de mes études médicales aussi l'avais-je
utilement complétée à la Faculté des Sciences.
Il n'y a pas de lentilles ou d'optique sans aberrations
périphériques * ou déformations. Aussi, vous voudrez
bien à l'avance pardonner ce qui est inhérent à ma
nature humaine. Je m'efforcerai d'apporter un témoignage incolore,
voire cristallin.
Les physiciens contemporains n'ont-ils pas démontré
que l'observateur influençait l'expérience ? La recherche
de la vérité nous échappe sans cesse, mais, si l'humilité
permet de limiter les illusions, elle ne doit pas briser l'élan
créatif !
Essayer de vous donner une approche des relations
de la Psyché et du Cancer est une gageure de nature himalayenne
! Mon illustre homonyme a pu le constater à ses dépens.
On y sacrifie sa propre substance.
On pourrait dire au moyen d'une caricature, que FREUD
nous a donné une série de clés pour l'étude
des névroses *, C. G. JUNG une méthodologie pour
la compréhension de la schizophrénie et des psychoses *.
Mais jusqu'à présent, la psychanalyse
des cancers constitue une grande première, à l'instar de
Nanga-Parbat, la montagne maudite et meurtrière *.
Les difficultés rencontrées sont énormes.
Le fantasme* délirant est masqué dans la nuit noire des
cellules derrière les rideaux successifs des organes et des tissus.
Souvent, la pétrification mentale ajoute à l'impossible
exploration, elle est en fait le principal obstacle ! Aussi, comme Jules
VERNE, il me fallait rechercher la faille à chaque nouvelle rencontre,
deviner et suspecter où pouvait commencer l'exploration du gouffre
avant d'aller vers le centre de la Terre. Il y eut combien de fausses
routes dans des puits borgnes...
Le rôle de détective est insuffisant.
Il est nécessaire d'induire une prise de conscience chez l'interlocuteur
par ses propres moyens. Il ignore en général tout de lui-même
et ne suspecte même pas qu'il puisse exister un autre monde que
celui de son champ de conscience.
Parfois, un éclair de voyance peut aider. Souvent,
on se retrouve devant " une muraille de Chine " sans cesse reconstruite,
réédifiée après chaque entretien, au fil des
semaines et des mois.
Les mots ont des effets magiques sur les êtres.
Certains les obligent à se barricader en eux-mêmes pour survivre
et se défendre. Il est nécessaire de respecter les résistances
et non les créer par un aveuglement spécifique. Parler de
"Cancer" rend le dialogue impossible car le mot est "tabou".
Le mot déclenche des vagues d'angoisse.* Les
années et les épreuves ont contribué pour l'auteur
à effriter sa valeur passionnelle. La sérénité
du thérapeute est la seule garantie pour son patient. Il la ressent
et peut alors se confier.
Dans un ouvrage antérieur, je me suis efforcé
de démystifier un autre terme tout aussi porteur d'anxiété
et de rejet : la mort.
Les prémisses qu'il posait étaient nécessaires
à celui-ci.
Notre époque a pour caractéristique
deux formes très spéciales de pathologie :
- au plan mental : l'explosion des psychonévroses et surtout
l'apparition de plus en plus fréquente des cas de schizoïdies
voire de schizophrénies *.
- au plan somatique : les tumeurs sont une source d'angoisse collective,
ainsi que les affections cardio-vasculaires.
N'est-ce pas là signe des temps?
La pathologie évolue selon les civilisations et les mythes régnants.
Le cœur et la tête sont malades d'un Amour non réalisé,
non intégré.
Un bon clinicien est un homme qui recherche la clé d'une énigme.
Le docteur WATSON accompagne toujours SHERLOCK HOLMES ! Il ne diffère
pas en cela d'un chercheur en sciences physiques ou chimiques. Mais la
simplicité est un sommet aussi difficile à atteindre que
l'Everest.
Elle nécessite un passage réussi des épreuves transmises
par les contes et légendes depuis la nuit des temps. Les artistes,
cinéastes, poètes nous les évoquent mais seuls ceux
qui ont réussi les traversées avec succès peuvent
lire, entendre et comprendre.
Les basiliques préromanes, telles que Saint-Martin du Canigou,
étaient édifiées en terre. Elles faisaient suite
aux nécropoles celtes, aux catacombes chrétiennes dans la
nécessaire relation aux esprits des Morts. L'obscurité y
régnait, propice aux contacts mystiques. Les nefs wisigothiques
puis précarolingiennes ont déjà tendance à
sortir de terre, à laisser passer un peu de lumière issue
d'en haut.
L'art roman dont le terroir de Poitou-Charentes est
si riche, nous enseigne un équilibre. C'est une époque de
passage entre l'écoute et la vue.
Comme le germe de l'oreille précède
l'ébauche oculaire dans l'organogenèse, le chant et la musique
ont précédé l'issue hors des ténèbres.
L'évolution de la musique passera de la monophonie
à la polyphonie, vers l'exubérance de l'orgue. Tandis que
l'on perd l'écoute pour aller vers la civilisation de la vue, s'installe
la confusion entre obéissance et soumission.
L'ère visuelle s'associe à la conquête
de l'air. L'image devient reine, attire et séduit. La photographie,
le cinéma, la télévision accompagnent l'Odyssée
spatio-visuelle.
Un rêve d'une patiente nous a révélé
la section de l'arbre sacré. D'autres nous l'ont confirmée
depuis. Les hommes sont actuellement dans l'état d'un arbre tronçonné
horizontalement soit au niveau de leur ceinture, soit au niveau de leur
cou.
Les prêtres cultivaient en secret au cœur du
temple, loin des regards profanes le Symbole le plus secret de Sumer -
4000 ans avant l'ère chrétienne -.
"L'homme et le monde ne sont ni les contenus de Dieu
ni ses images : ils sont ses créations... En cela résidait
le sens caché de l'emblème de plus secret de SUMER, l'Arbre
d'Éridu, puis le KISH : le KISH KANU ". (Jean-Charles PICHON p.
116 "L'homme et les dieux" Maisonneuve réédition 1986).
La schize s'est installée il nous semble, lorsque
l'équilibre de l'art roman a cédé la place aux envolées
gothiques. La lumière ne pénétrait jusqu'alors dans
les basiliques qu'avec parcimonie et mystère. Les nefs sorties
de terre s'iriseront des couleurs sacrées en un sens initiatique,
organisées et assemblées par les maîtres verriers.
Les nefs gothiques auront plus de lumière encore.
Les chapelles modernes sont presque des temples de verre, hélas
elles ont perdu les messages symboliques. Leur laideur est le reflet des
imperfections de leurs créateurs. Le sens sacré n'existe
plus dans les vitraux abstraits.
L'architecture suit l'évolution intérieure
des hommes, comme les œuvres d'art expriment la maturation des créateurs,
ou leurs difficultés à vivre.
Le reflet des valeurs terrestres, celles de l'Amour
courtois, et de la Femme, est vécu comme un interdit, un
anathème sacrificiel recréé sans cesse dès
le jeune âge. Les prêtres sacrificateurs - ou les parents
déjà amputés dans leurs corporéités
- induisent par des IMAGO* inconscientes, des réalités
hélas très concrètes.
...