Le sculpteur à l'œuvre sur une statue du portail de Notre-Dame
ne pouvait prendre assez de recul pour avoir une idée de l'ensemble
architectural. Les maîtres d'œuvre savaient prendre de la distance
pour s'assurer de l'harmonie des parties et des rapports esthétiques
entre les volumes. L'usage de la dissymétrie et du nombre d'or
était affaire d'initié.
Nous, médecins, sommes habitués à côtoyer
la souffrance et les troubles de l'émotivité, mais nous
n'avons guère le loisir de prendre le recul nécessaire
à une réflexion d'ensemble, notre exercice ayant été
contingenté et désacralisé par un embrigadement
administratif et technologique. La réflexion exige une autre
initiation que la simple étude des parties : il est nécessaire
d'acquérir la vision de l'architecte. Il existe cependant, entre
le microcosme de la cellule et le macrocosme d'un être humain,
la même unité d'ensemble qu'entre une feuille d'un chêne
et l'arbre tout entier.
La position de chef de service hospitalier, semblable à celle
d'un agent de circulation au centre d'un aiguillage ferroviaire, nous
a placé dans un poste d'observation privilégié.
Elle permet l'accumulation de matériaux cliniques et humains
considérables malgré les difficultés, de plus en
plus grandes, rencontrées dans l'exercice de son art. La réflexion
philosophique alliée à une recherche intérieure
permanente ont permis à notre esprit, quelque peu frondeur, de
prendre quelques distances et la liberté nécessaire. Nous
y étions préparés par une triple formation scientifique,
clinique et psychanalytique, mais aussi par un héritage familial
peu courant.
L'étude des psychonévroses montre que les femmes ont
fréquemment des difficultés pour s'orienter dans l'espace,
tandis que les hommes ont, en général, une notion approximative
ou erronée du temps. On voit un septuagénaire courir le
guilledou comme s'il avait vingt ans, et certaines femmes incapables
de lire une carte ou retrouver leur chemin en ville. Dans tous les troubles
d'adaptation à la réalité on observe des distorsions
de "l'espace temps" qui ne cessent d'intriguer, de même que les
localisations cérébrales nous interrogent depuis plus
d'un siècle.
L'accès à l'espace, aux vertus du guerrier, relève
du domaine du Père. Un prix Nobel japonais de Neurophysiologie
nous a appris ce que les initiés savaient depuis toujours : nous
ne fonctionnons guère en Occident qu'avec le cerveau gauche,
c'est aussi le cas des Japonais contemporains, si ce n'est pire ! C'est
à dire que nous demeurons dans le territoire matriarcal sans
la mise à feu d'un second développement. Le cerveau droit
reste une terre vierge, presque inexplorée, jusqu'à présent.
Le cerveau gauche avec ses fonctions logiques, nous garde dans la lignée
des Mères et assure le triomphe d'une civilisation rationnelle
et matérialiste.
C'est pourquoi la médecine officielle et notre pharmacopée
dérivent de plus en plus de cette seule corticalité gauche.
Elle colore toutes nos pensées, nos lois et nos façons
de concevoir le Monde. L'Eglise romaine n'y a pas échappé
avec ses conformismes et sa sclérose, occultant de plus en plus
l'aspect surnaturel ou magique de la spiritualité en se pétrifiant
dans le rationalisme. C'est elle qui est à l'origine de cette
décadence en raison d'un mythe falsifié devenu pathogène.
L'univers de la voyance semble, par contre, en relation avec l'hémicortex
droit. Il serait la terre élue des chamans et des spirites. Or,
pour un développement correct et eutonique de l'être, les
deux mondes devraient avoir leur pleine croissance et leur hiérarchie
respectées sous peine de voir apparaître les désordres
du corps et de la psyché. La maturation du cerveau est sous la
dépendance des hormones sexuelles notamment. Si l'imprégnation
hormonale maternelle persiste, la symétrie demeure : l'univers
de l'enfant est dyslexié. N'est-ce pas le cas lorsque la mère
est l'élément dominant du couple parental ?
Les maladies auto-immunes, les somatisations et les cancers, sont alors
statistiquement beaucoup plus fréquents. C'est le cas des défects
de latéralisation, notamment des bègues et des gauchers.
Le sujet ne sait pas se défendre. Il ne sait pas répondre
aux attaques n'ayant pas accès à la maîtrise de
l'espace intérieur. Les gendarmes cellulaires sont inopérants
ou employés à des tâches subalternes. Les défenses
immunologiques sont mal utilisées, ou peuvent l'être a
contrario des intérêts du sujet. Inconsciemment
il blesse son corps au lieu d'agir sur le monde extérieur n'ayant
pas la maîtrise de lui-même. L'accès à son
corps, à son espace intérieur lui vient de la mère
et de son exemple. Ce premier développement le laisse sous sa
dépendance de sorte qu'il réagit avec le langage du corps
et non celui de l'esprit.
L'enfant copie inconsciemment son mode de défense sur celui
de ses parents, comme il adopte leur langage. Il s'identifie à
l'entité parentale et copie son territoire corporel et psychoaffectif
sur les modalités réactionnelles du couple en se structurant
sur le parent du même sexe et en introjectant dans son inconscient
le sexe opposé. S'il existe une inversion c'est-à-dire
un transsexualisme chez ses parents, il l'adopte de même manière
ce qui détermine une situation pathogène chronique.
Dans notre société, le garant des valeurs et des principes
est rarement le Père, auquel les lois ancestrales avaient donné
obligation à être une réincarnation du VERBE. La
Mère doit prendre le relais en raison de l'absence ou de l'insuffisance
de son époux, ce qui détermine une fixation dans une inversion,
d'où découle une série de phénomènes
psychopathologiques. Ils touchent le sujet, comme la société,
car le macrocosme n'est qu'une association des parties et leur reflet.
Les maladies infectieuses peuvent atteindre apparemment n'importe qui.
Cependant l'analyse statistique fausse l'observation en éliminant
un facteur essentiel : l'individu lui-même !
Cette méthode est aveugle, mais la science universitaire imposée
à grand renfort de publicité s'y enlise. Il n'y a malheureusement
plus de place, ni de crédit pour l'art médical, car l'humanisme
est moribond dans une société d'argent. L'observation
clinique montre que ce sont en général les mêmes
sujets qui subissent les épidémies virales, de grippe
par exemple.
Au siècle dernier les cliniciens n'ont pas manqué de
souligner les problèmes de terrain. C.G. Jung a démontré
l'origine psychologique de la tuberculose. Le lien au territoire matrilinéaire
y est un facteur prédominant. Ces considérations ont été
reprises par les homéopathes, mais jusqu'à présent
leur analyse n'a jamais permis une synthèse rationnelle associant
l'ensemble des faits. Le morcellement des écoles et surtout le
cloisonnement des disciplines est néfaste à une reconstitution
holistique.
L'interrogation majeure que le SIDA nous pose, incite à une
recherche plus approfondie. Or, dans cette réflexion fondamentale,
une myriade d'ouvrages et de publications risquent de nous égarer
dans un univers chaotique propice aux pires obscurantismes et à
la genèse d'élucubrations théorisantes. C'est dire
combien la tâche est difficile.
C'est pourquoi avant de rapporter quelques histoires cliniques je me
permettrais de vous proposer une clé de décodage semblable
aux théorèmes de Carnot-Clausius pour la thermodynamique
classique. Elle constitue un résultat et la synthèse des
observations cliniques exposées dans L'imaginaire cancéreux.
A. - L'être humain se présente sous
deux apparences :
La FEMME : est un être de sensibilité, elle donne
parce qu'elle a l'intuition de faire et de donner, donc elle reçoit.
Elle renifle et elle sent.
L'HOMME : le masculin ne sent rien, mais il donne tout ce qu'il
a, sa force, sa vie, son travail. Il aime passionnément.
Les DEUX sont différents et inséparables.
Les taoïstes ont isolé le yin et le yang : ce sont des
réalités complexes.
Ils ont distingué un versant yin dans le yang, solaire (l'anima
de C.G. Jung), et un versant yang dans le yin, lunaire (l'animus
de C.G. Jung).
En fait, selon le mythe d'ER développé par Platon
dans "La République", l'enfant se programme initialement lui-même
grâce à sa connaissance et à sa propre identité
antérieure. Il choisit son sexe, sa famille d'adoption et son
prénom, mais il lui arrive de se tromper, aussi il en résulte
de graves désordres.
Dans les observations cliniques exposées dans cet ouvrage, nous
devons retenir, même si c'est approximatif, que l'enfant se
moule par identification aux images parentales, au moins pour la première
partie de son développement. Rares sont les sujets qui dépassent
ce niveau. Ainsi tout se passe pour l'observateur comme si le sujet
prenait en charge - tant qu'il reste dans l'orbite affective parentale
familiale et ethnique - les identifications classiques où :
- Le PERE représente le solaire, la loi, la pensée et
l'action.
- La MÈRE représente les fonctions affectives et intuitives
prédominantes, l'intendance matérielle, les fonctions
logiques, l'ordre.
Normalement la masculinité du père doit être plus
importante que sa féminité (anima de Jung) et la
féminité de la mère plus importante que sa masculinité
(animus de Jung).
B. - Prenons le cas particulier où la mère a été
l'élément dominant dans le couple parental. Son empreinte
est majoritaire vis-à-vis du père, les enfants ont tendance
à somatiser, à effectuer des infections récidivantes
de l'oreille, des orifices qui peuvent les mettre en relation avec le
monde extérieur, afin de demeurer tels qu'ils étaient
en toute béatitude au sein de l'utérus.
Cette attitude se découvre à deux moments, soit en cas
d'agression extérieure, soit en cas d'agression de la mère
elle-même : le sujet régresse.
C. - Une situation plus grave se développe lorsque le père
est absent ou inexistant. Le père doit servir de modèle
au développement du cerveau droit c'est à dire aux défenses
du sujet, à la conquête de territoire, et de la reproduction.
C'est la situation de la PLEINE LUNE et du SOLEIL NOIR retrouvés
dans les dessins des enfants.
- Plus l'image du père est celle d'un homme absent, alcoolique,
faible, dégénéré ou totalement éliminé
du foyer, plus les risques de somatisations augmentent... et les problèmes
psychologiques s'accusent.
D. - Une situation nouvelle est créée par l'apparition
de plus en plus fréquente de pères transsexuels et de
mères "inversées" très phalliques.
Pour des raisons diverses, absence ou inexistence de son compagnon,
lésion grave de l'image de l'homme héritée de la
génération précédente, la femme joue le
rôle du père, gronde, fait la loi et le père surenchérit
de maternages et d'attentions "étouffantes" vis-à-vis
des enfants : les risques d'explosions tumorales sont majeurs.